Massacre de Kamanyola: Kinshasa dénonce « un groupe armé »

21740580_478221355883579_5912076948816446887_nKinshasa a annoncé dimanche une enquête judiciaire après la mort vendredi de 36 Burundais à Kamanyola (Sud-Kivu, est de la République démocratique du Congo), à la frontière avec le Burundi. Selon l’Onu, il s’agirait de réfugiés et demandeurs d’asile. Le parti ASP (Alliance pour le salut du peuple congolais, issu de l’ex-rébellion du M23) rappelle, de son côté, que « les pouvoirs congolais et burundais ont coutume de se livrer » mutuellement « des opposants réfugiés et ce en toute violation de la Convention de Genève » que les deux pays ont ratifiée.

Selon Kinshasa, l’armée congolaise a tiré sur des manifestants burundais après qu’un « lieutenant de l’armée a été tué ». La fusillade a fait 36 morts et quelque 120 blessés. Selon le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, certaines des victimes seraient « membres d’un groupe armé ».

Les premiers éléments de l’enquête de la Monusco (Mission de l’Onu au Congo), lui font dire, de son côté, que l’armée congolaise a répondu à la mort de l’officier en ouvrant le feu sur les manifestants « de façon disproportionnée ». Le directeur de cabinet du ministre provincial de l’Intérieur, Josué Boji, a indiqué à l’AFP que les militaires avaient voulu tier « en l’air mais ils ont été débordés par les jets de pierre ».

Renvoyés au Burundi

Un rescapé du massacre, dont le récit a été traduit par le bloggeur burundais David Gakunzi, indique que les autorités congolaises sont venues, de nuit, arrêter quatre personnes. « Ils ont détruit leur porte, sont entrés dans les maisons et les ont emmenés de force. Ils les ont tabassés et les ont ensuite emmenés au bureau de l’Immigration ». Ils y ont subi un interrogatoire, puis un autre dans les bureaux du service congolais de renseignement, l’ANR. Puis, un responsable de l’Immigration a décidé de les transférer au Burundi.

« Nous avons alors quitté nos maisons et nous sommes allés demander ce qui se passait et pourquoi ils avaient arrêté et emmené ces quatre personnes. C’est alors qu’ils se sont mis à tirer sur nous (…) Nous nous sommes mis à jeter des pierres sur les militaires pour essayer de nous dégager et aller vers la Monusco », dont les locaux se trouvaient à 150 m de là. « Les troupes de la Monusco ne sont pas venues nous secourir. Ils n’ont pas bougé. Nous avons couru jusqu’à leur portail et ils nous ont accueillis ».

Un autre réfugié a dit à l’AFP que les Burundais « ont été chassés comme des animaux par des Congolais, toute la nuit ».

Culte marial interdit

Nombre des réfugiés burundais de Kamanyola seraient des adeptes de la prophétesse burundaise Eusébie Ngendakumana, dite « Zebiya », persécutée par les autorités de Bujumbura depuis quatre ans. Agée de 31 ans et catéchumène de l’Eglise catholique, cette jeune paysanne de Businde (Kayanza, nord du Burundi) dit avoir des apparitions de la Vierge Marie et, depuis plusieurs années, de nombreuses personnes faisaient de longues routes à pied pour venir prier chez elle, en particulier le 12 de chaque mois, jour des « apparitions ». L’Eglise catholique burundaise met en doute ces apparitions et a interdit ce culte marial fin 2012.

Les autorités burundaises – qui n’ont pas hésité à comparer les suiveurs de Zebiya à « Boko Haram » bien qu’ils se contentent de prier – s’appuient sur cette interdiction catholique pour justifier la répression des prieurs, qu’on empêche de se réunir même dans des maisons privées; cette répression a fait, depuis lors, de nombreux blessés et des centaines d’arrestations. En 2013, les forces de l’ordre ont tiré sur une procession, faisant dix morts; trois policiers avaient été arrêtés. La même année, 182 partisans de Zebiya ont été condamnés à des peines de prison de 6 mois à 5 ans pour « violation de l’ordre public », après un procès sans avocats. De nombreux partisans de Zebiya – qui se dit toujours catholique et refuse d’être considérée comme la dirigeante d’une secte – se sont réfugiés au Congo voisin.

Par Marie-France Cros, 18 septembre 2017, https://afrique.lalibre.be

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