La CVR frappée par la soif de la population à connaître la vérité sur son passé sanglant

arton5048La Commission Vérité et Réconciliation burundaise (CVR-Burundi) a été ″frappée par la soif″ de la population burundaise à connaître la vérité sur les crises du passé sanglant, a témoigné vendredi dans son cabinet de travail à Bujumbura, Mgr Jean-Louis Nahimana (photo), président de la CVR, au cours d’une conférence de presse organisée vendredi 8 septembre 2017 pour faire le point sur les résultats des dépositions populaires déjà faites dans quatre provinces à savoir Mwaro (centre-ouest), Karusi (centre), Ngozi (nord) et Bujumbura-Mairie (ouest).

″Ce qui m’a touché particulièrement, c’est vraiment un engouement manifesté par la population à venir faire leurs dépositions″, a précisé Mgr Nahimana.

Ces dépositions portaient sur les violations des droits humains pour la période couvrant le mandat de la CVR, celle allant du 1er juillet 1962 au 4 décembre 2008, date supposée de la fin de la belligérance armée au Burundi.

En effet, au cours d’une période de trois semaines (du 9 au 29 août 2017) consacré à un recueil des premières dépositions dans les provinces de Mwaro et de Karusi, la CVR a pu réceptionner 4792 déposants venus particulièrement sur les crises de 1972 et de 1993 ; deux guerres civiles burundaises marquées par des ″bains de sang immenses″ au sein des principales composantes ethniques du pays, à savoir les hutu et les tutsi.

Mgr Nahimana a souligné, que dans la province de Mwaro, avec 110 fosses communes déjà découvertes et dans lesquelles ont été jetées des victimes des crises de 1972 et de 1993, on peut confirmer sur base de ces chiffres, que cette province ″a été réellement atteinte de plein fouet par ces crises″.

A ce jour, a-t-il laissé entendre, la CVR ne peut se prononcer que sur les découvertes des fosses déjà faites dans les quatre provinces ci-haut citées sur les dix-huit qui composent le pays.

Même dans ces quatre provinces, a-t-il nuancé, les découvertes des fosses communes déjà faites ne revêtent pas un caractère définitif, mais restent provisoires dans la mesure où on a affaire à un processus progressif et dynamique. Car, a-t-il insisté, même après le mandat de la CVR, il se pourrait que l’on continue à découvrir des fosses communes comme ce fut le cas pour les découvertes récentes des fosses communes de Mabanda (sud) et de Gihanga (ouest) relevant respectivement des provinces de Makamba et de Bubanza.

Mgr Nahimana a signalé que la CVR aurait aimé travailler ″concomitamment″ dans toutes les provinces et communes du pays pour ne pas frustrer. ″Parce qu’aujourd’hui, nous sommes en train de frustrer les personnes qui sont dans les communes lointaines. Car, avec un budget modique mis aujourd’hui à sa disposition et pouvant couvrir uniquement trois ou quatre provinces par an, le risque encouru par la CVR est celui de passer toute la période impartie à son mandat à ce travail de dépositions, qui, en réalité, n’est qu’une phase préalable″, a-t-il fait remarquer.

Le gros du travail de la CVR burundaise est à venir, a estimé Mgr Nahimana. Il va falloir trouver des équipes pluridisciplinaires pour traiter les informations collectées, avec pour focus un souci de ″creuser en profondeur pour comprendre ce qui s’est réellement passée au cours des diverses crises burundaises maquillées de sang″.

A ce jour, a-t-il avoué, la CVR se trouve dans l’incapacité de le faire parce que le rythme de ces travaux est ralenti par les conditions précaires dans lesquelles elle est obligée de fonctionner dans la mesure où cette commission doit s’en tenir à la loi. ″En effet, il y en a qui voudraient que nous fassions un travail bâclé qui se limiterait à une prise de quelques échantillons, ce qui serait en contradiction de ce que prévoit la loi″, a-t-il martelé.

BUJUMBURA, 9 sept (ABP)

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